
Le Tchad, pays sahélien au cœur de l’Afrique, s’appuie fortement sur son secteur de l’élevage, une activité fondamentale qui structure l’économie nationale et soutient la survie de millions de personnes. Avec un cheptel impressionnant de plus de 94 millions de têtes, l’élevage contribue à environ 20 % du PIB national et représente jusqu’à 50 % des recettes d’exportation. Cependant, ce secteur clé est confronté à des défis croissants, allant de la variabilité climatique à l’insuffisance des infrastructures, comme le révèlent deux documents récents : une analyse sur la situation de l’élevage et le Plan National de Développement de l’Élevage (PNDE).
L’élevage au Tchad soutient environ 40 % de la population rurale et contribue à 37 % du PIB agricole, mettant en évidence son rôle crucial dans le tissu socio-économique du pays. La majorité du cheptel est gérée selon des systèmes pastoraux mobiles, adaptés aux conditions arides du pays et dépendant fortement des 84 millions d’hectares de pâturages naturels disponibles. Ces systèmes, bien qu’efficaces pour tirer parti des ressources naturelles, sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique. L’importance du secteur ne se limite pas à l’économie. Les pratiques pastorales tchadiennes, profondément enracinées dans la culture et les traditions locales, jouent un rôle clé dans la cohésion sociale. Pourtant, la pression croissante sur les ressources naturelles, exacerbée par des conflits agro-pastoraux récurrents, menace l’équilibre fragile entre les éleveurs et les agriculteurs.
Malgré son potentiel, le secteur de l’élevage fait face à des défis multiples qui freinent sa modernisation et sa contribution optimale à l’économie nationale. Les maladies transfrontalières telles que la peste des petits ruminants (PPR), la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) et la fièvre aphteuse continuent de limiter la productivité. Les campagnes de vaccination atteignent souvent des taux inférieurs aux normes, aggravant les pertes économiques et les risques sanitaires. Les sécheresses récurrentes réduisent la disponibilité des pâturages et des ressources en eau. Cette situation pousse les éleveurs à chercher de nouvelles terres, intensifiant les conflits avec les agriculteurs. En outre, le manque d’abattoirs modernes, de marchés structurés et de systèmes de transformation freine la valorisation des produits animaux, limitant ainsi leur compétitivité sur les marchés internationaux. L’accès aux ressources naturelles provoque régulièrement des tensions entre éleveurs et agriculteurs. Ces conflits, exacerbés par la croissance démographique et l’expansion agricole, nécessitent des mécanismes de régulation plus efficaces.
Face à ces défis, le Plan National de Développement de l’Élevage (PNDE) vise à transformer le secteur en un moteur de développement durable. Structuré autour de deux grands axes, ce plan propose le développement durable des systèmes pastoraux, incluant la sécurisation des espaces pastoraux, l’amélioration de l’accès aux marchés et le renforcement de la résilience des éleveurs face au changement climatique. Il prévoit également le renforcement des capacités institutionnelles, avec un accent sur la formation des agents vétérinaires, la modernisation des infrastructures et l’intensification des campagnes de vaccination. Le PNDE insiste également sur l’importance d’intégrer les éleveurs dans les décisions politiques et de promouvoir des partenariats publics-privés pour soutenir l’investissement dans le secteur.
Les services vétérinaires occupent une position centrale dans la mise en œuvre des ambitions du PNDE. Leur rôle dépasse le cadre de la santé animale : ils contribuent à la sécurité alimentaire, à la lutte contre les zoonoses et à la préservation des écosystèmes pastoraux. Les actions prioritaires incluent l’accroissement de la portée et de l’efficacité des campagnes de vaccination pour atteindre les taux recommandés de 90 % ou plus, le renforcement du Réseau d’épidémiosurveillance des maladies animales au Tchad (REPIMAT) pour détecter rapidement les foyers de maladies, ainsi que le soutien technique aux éleveurs pour adopter des pratiques modernes et durables tout en respectant les traditions locales.
Le Tchad a une opportunité unique de transformer son secteur de l’élevage en un levier de croissance inclusif et durable. Avec un potentiel immense de modernisation et une richesse culturelle liée au pastoralisme, le pays peut répondre aux défis environnementaux et économiques par des politiques audacieuses et des partenariats renforcés. Cependant, le succès de cette transformation repose sur des investissements solides, une implication des communautés locales et un renforcement des capacités des services vétérinaires. En plaçant l’élevage au cœur de son développement, le Tchad peut non seulement améliorer les conditions de vie des éleveurs, mais aussi contribuer à la stabilité et à la prospérité de toute la nation. La clé réside dans la capacité à conjuguer tradition et modernité, à protéger les écosystèmes pastoraux tout en valorisant le potentiel économique de ce secteur essentiel.