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Ébola et la peau : de nouvelles découvertes pour mieux comprendre et prévenir la transmission

Human skin explant model of EBOV infection, Messingham et al, 2025.

Le virus Ébola, célèbre pour ses épidémies meurtrières en Afrique de l’Ouest et centrale, est responsable de milliers de morts depuis sa découverte en 1976. Ce virus, à l’origine de la fièvre hémorragique Ebola, continue de défier les systèmes de santé publique et les scientifiques du monde entier. Une étude récente, publiée dans Science Advances, apporte un éclairage révolutionnaire sur le rôle de la peau dans la propagation de la maladie. Ces découvertes, bien que scientifiques, touchent directement des domaines aussi cruciaux que sont la médecine vétérinaire, la santé publique et la prévention, la surveillance des zoonoses.

Comprendre ce virus

Le virus Ébola est un filovirus, une catégorie de virus enveloppés à ARN simple brin, qui cause des symptômes graves et souvent fatals. La maladie débute généralement par une forte fièvre, des douleurs musculaires, des maux de tête et une faiblesse générale. Rapidement, ces symptômes évoluent en troubles gastro-intestinaux, vomissements, diarrhées, hémorragies internes et externes, et dysfonctionnement multisystémique. Le taux de létalité de la maladie peut atteindre 90 % lors de certaines épidémies, comme celle qui a frappé l’Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016, faisant plus de 11 000 victimes.

Le virus se transmet par contact direct avec les fluides corporels d’une personne ou d’un animal infecté : sang, salive, sueur, urine, excréments, et même la peau contaminée. Les rituels funéraires impliquant le contact avec des corps infectés ont été identifiés comme des vecteurs majeurs de transmission, expliquant l’ampleur de certaines épidémies.

La peau : un acteur clé dans la propagation d’Ébola

Traditionnellement perçue comme une barrière protectrice, la peau se révèle être un acteur actif dans la dissémination du virus Ébola. L’étude récemment publiée démontre qu’à des stades avancés de l’infection, le virus migre des couches profondes de la peau (le derme) vers sa surface (l’épiderme). Une fois à la surface, le virus devient infectieux et peut se transmettre par simple contact avec la peau contaminée. Cette découverte explique pourquoi des pratiques courantes, telles que toucher les corps infectés lors de rites funéraires ou manipuler des animaux morts, exposent gravement au virus.

Les chercheurs ont utilisé un modèle de peau humaine ex vivo, recréant les interactions cellulaires dans un environnement contrôlé. Ce modèle a permis de suivre en temps réel comment le virus Ébola infecte et migre à travers les couches cutanées. Une avancée qui apporte des données cruciales pour mieux comprendre la propagation de la maladie.

Les cellules responsables de l’infection

L’analyse approfondie des interactions entre le virus et la peau a révélé que plusieurs types de cellules cutanées permettent l’infection et la réplication du virus :

  • Dans le derme : Les fibroblastes, les macrophages (IBA1+) et les cellules endothéliales (CD31+) soutiennent l’infection et servent de base à la propagation du virus vers l’épiderme.
  • Dans l’épiderme : Les kératinocytes (CK5+), cellules structurelles de la peau, jouent un rôle essentiel en facilitant la migration du virus vers la surface cutanée.

Ces cellules utilisent des récepteurs spécifiques comme AXL et NPC1, identifiés comme des portes d’entrée pour le virus. Ces découvertes ouvrent des pistes prometteuses pour le développement de thérapies ciblées.

Ce que ces découvertes signifient pour les vétérinaires

Pour les vétérinaires, souvent en première ligne face aux zoonoses, ces résultats changent la donne. Les épidémies d’Ébola concernent non seulement les humains, mais aussi les animaux, en particulier les primates non humains et les chauves-souris, qui servent de réservoirs au virus. Les pratiques de chasse et d’élevage, courantes dans les zones touchées, augmentent les risques de transmission entre animaux et humains.

Ces nouvelles données soulignent l’importance de la peau comme vecteur actif et nécessitent des ajustements dans les pratiques vétérinaires :

  1. Renforcer les protocoles de biosécurité : Utiliser des équipements de protection individuelle (gants, masques, lunettes, vêtements imperméables) lors de toute intervention impliquant des animaux malades ou morts.
  2. Désinfecter rigoureusement : Nettoyer les surfaces, outils et équipements ayant été en contact avec des fluides corporels ou la peau d’animaux infectés.
  3. Former les communautés locales : Sensibiliser les éleveurs, chasseurs et populations locales aux dangers des contacts avec des carcasses ou des animaux malades, et promouvoir des pratiques sécurisées.

Des perspectives thérapeutiques et de prévention

L’étude ne se limite pas à la compréhension de la transmission. Elle explore également des solutions pour bloquer l’infection. Des inhibiteurs comme la tétrandrine et l’interféron-gamma (IFN-γ) ont montré leur capacité à réduire significativement la réplication virale dans les modèles de peau. Ces molécules, connues pour leurs propriétés antivirales, pourraient être adaptées à des traitements pour les humains et les animaux.

De plus, le modèle ex vivo utilisé par les chercheurs ouvre la voie à des recherches sur d’autres maladies zoonotiques. Ce système rentable et accessible pourrait servir à tester des antiviraux ou des vaccins contre des pathogènes comme la fièvre de Lassa ou la rage.

L’importance d’une approche intégrée, de l’approche « Une Seule Santé »

Ces découvertes mettent en lumière le rôle central des vétérinaires dans la prévention et la gestion des épidémies. Collaborer avec les autorités sanitaires, vétérinaires, de l’environnement, renforcer la surveillance des zoonoses et promouvoir des pratiques sécurisées au sein des communautés sont autant de leviers pour limiter les transmissions. Par exemple, l’intégration de cette approche « Une Seule Santé » dans toutes les activités de surveillance et de prévention aident à mieux gérer les épidémies et les épizooties dans les zones rurales.

Une conclusion tournée vers l’action

La maladie à virus Ébola reste une menace pour les populations humaines et animales. Comprendre le rôle de la peau dans la transmission offre une nouvelle perspective pour limiter sa propagation. Pour les vétérinaires, cette découverte souligne l’importance de leurs actions sur le terrain, de la sensibilisation des communautés à la mise en œuvre de pratiques rigoureuses de biosécurité. En intégrant ces connaissances dans leur travail quotidien, ils peuvent non seulement se protéger, mais aussi jouer un rôle clé dans la lutte contre cette zoonose meurtrière. Ces avancées renforcent également la nécessité d’une recherche collaborative entre santé humaine et vétérinaire, pour mieux anticiper et répondre aux crises sanitaires de demain.

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Malick Kane