La peste porcine africaine (PPA) représente depuis plusieurs décennies une menace sanitaire majeure pour les élevages porcins africains. Son impact économique, social et alimentaire est considérable, fragilisant des milliers de ménages et mettant à mal la sécurité alimentaire à l’échelle locale et régionale. Face à l’absence de traitement ou de vaccin commercialisé, la surveillance, la prévention et le contrôle rapide des foyers sont les seuls moyens efficaces de lutter contre cette maladie virale.
Dans ce contexte, la FAO a publié en 2025 un manuel innovant intitulé « African swine fever epidemiology and geographic information systems – Application for disease management », qui met en exergue le rôle stratégique des systèmes d’information géographique (SIG) dans la maîtrise de la PPA. Ce guide pratique, destiné aux autorités vétérinaires, aux gestionnaires de la faune sauvage, aux experts SIG et aux décideurs, fournit des méthodologies claires pour intégrer les données épidémiologiques à une approche géospatiale, optimisant ainsi la prise de décision et l’action terrain.
Comprendre la complexité épidémiologique de la PPA grâce aux SIG
La PPA est une maladie multifactorielle, dont la dynamique de transmission implique des cycles variés :
- La présence de tiques Ornithodoros comme réservoirs dans certaines zones d’Afrique ;
- Les élevages porcins domestiques, souvent à faible niveau de biosécurité, propices à la circulation du virus ;
- Les populations sauvages de sangliers (en Eurasie) qui entretiennent la transmission.
Ces interactions complexes, combinées aux mouvements humains et commerciaux, rendent la surveillance traditionnelle difficile et parfois lente.
Les SIG offrent un cadre analytique puissant pour :
- Localiser précisément les populations porcines (élevages commerciaux et informels) et la faune sauvage concernée ;
- Cartographier et suivre en temps réel les foyers de PPA confirmés et suspects ;
- Analyser les facteurs environnementaux, économiques et sociaux favorisant la propagation du virus ;
- Modéliser les risques et anticiper les zones vulnérables à court et moyen terme.
Une gestion ciblée et efficace des foyers grâce à l’information géographique
L’utilisation des SIG permet aux services vétérinaires africains d’adopter une approche proactive et stratégiquement ciblée :
- Délimitation dynamique des zones réglementées : définition des zones de protection, surveillance et contrôle adaptées à la situation épidémiologique réelle ;
- Optimisation des ressources humaines et logistiques : priorisation des interventions dans les zones à plus fort risque ;
- Suivi des mesures de biosécurité et d’abattage : contrôle et évaluation en temps réel des actions menées ;
- Renforcement de la coordination intersectorielle : partage rapide des données entre services vétérinaires, environnementaux, douaniers et communautaires.
Des outils accessibles et adaptés aux réalités africaines
Le manuel FAO souligne que, grâce à la généralisation des smartphones, à la disponibilité croissante de données géographiques gratuites (images satellites, cartes de densité animale, infrastructures), et à la montée en compétences des acteurs locaux, les SIG ne sont plus un luxe réservé aux pays riches.
Des solutions simples, robustes et open source permettent aujourd’hui d’implémenter des systèmes SIG adaptés aux contraintes techniques et budgétaires des services vétérinaires africains.
Renforcer les capacités pour une surveillance durable
La collecte fiable des données épidémiologiques et géographiques repose sur la formation continue des agents de terrain, l’implication des communautés rurales et des acteurs de la chasse, ainsi que sur la modernisation des infrastructures de données.
Le manuel préconise aussi la mise en place de plateformes de partage d’information multi-acteurs, essentielles pour une réponse coordonnée et efficace.
Vers une meilleure sécurité sanitaire et économique
La maîtrise de la PPA grâce à une gestion intelligente des données spatiales est une opportunité majeure pour :
- Réduire significativement les pertes économiques dues à la maladie ;
- Améliorer la résilience des filières porcines face aux crises sanitaires ;
- Contribuer à la sécurité alimentaire et à la stabilité des revenus des petits éleveurs et des communautés rurales ;
- Préparer le terrain pour l’adoption future de vaccins, dans un cadre de surveillance renforcé.
En conclusion, la diffusion et l’intégration des SIG dans la gestion de la peste porcine africaine doivent devenir une priorité stratégique pour les services vétérinaires africains. Le manuel FAO 2025 offre une feuille de route claire et adaptée pour exploiter pleinement ce levier technologique, en harmonie avec les réalités locales.
Cette révolution numérique est un véritable catalyseur d’efficacité et de durabilité, indispensable pour relever les défis sanitaires actuels et futurs du continent.
