
Le secteur de l’élevage au Mali constitue un pilier fondamental de l’économie nationale et du mode de vie rural. Représentant environ 14 % du produit intérieur brut (PIB) et près de 20 % des exportations agricoles, le cheptel malien est bien plus qu’une simple activité économique : il est au cœur de la sécurité alimentaire, de la subsistance des populations et de la stabilité sociale dans un pays où plus de 75 % des habitants dépendent directement de l’agriculture et de l’élevage.
Pourtant, ce secteur stratégique est aujourd’hui gravement fragilisé par une menace croissante et insidieuse : le vol de bétail, instrument utilisé pour financer les groupes armés terroristes qui sévissent dans plusieurs régions du pays. Entre 2016 et 2022, ces vols ont provoqué des pertes colossales, évaluées à plus de 18 milliards de francs CFA. En 2021 seulement, la région de Mopti a enregistré le vol de plus de 130 000 têtes de bétail, un coup dur qui illustre l’ampleur du problème.
Face à ce défi majeur, le gouvernement malien a adopté le 18 juin 2025 une Stratégie nationale de stabilisation et de sécurisation du cheptel pour la période 2025–2029. Cette initiative est un tournant décisif pour protéger non seulement un secteur économique vital, mais aussi pour lutter contre l’érosion de la paix et de la sécurité dans les zones rurales.
La stratégie s’appuie sur quatre axes structurants :
- La gestion durable des ressources pastorales, qui vise à organiser l’accès aux pâturages et points d’eau afin d’éviter les conflits et la surexploitation ;
- La promotion des cultures fourragères, pour garantir une alimentation suffisante et de qualité aux animaux tout au long de l’année ;
- La valorisation économique du cheptel, avec des mesures visant à renforcer la productivité, la qualité des produits et les débouchés commerciaux ;
- Le renforcement du suivi institutionnel, pour améliorer la gouvernance, la traçabilité animale et les dispositifs de contrôle.
Dans ce cadre, plusieurs actions concrètes sont prévues : la création de pâturages sécurisés, la mise en place de systèmes modernes de traçabilité pour suivre les animaux tout au long de la chaîne, ainsi que l’installation de postes mobiles de contrôle dans les zones les plus exposées.
L’enjeu dépasse largement le cadre agricole : en alimentant financièrement les groupes jihadistes, le vol de bétail contribue à entretenir l’insécurité, les violences et l’instabilité dans plusieurs régions maliennes, en particulier dans le centre et le nord du pays. À côté d’autres activités illicites telles que l’orpaillage illégal ou la taxation arbitraire des routes, ce phénomène affaiblit les populations rurales, compromettant durablement leur capacité à se développer et à vivre en paix.

La stratégie prévoit le lancement d’actions pilotes dans les régions les plus touchées — Mopti, Tombouctou, Gao et Ménaka — où seront mises en œuvre des mesures spécifiques : développement de cultures fourragères communautaires, sécurisation des points d’eau vitaux pour le bétail, et renforcement des coopérations entre acteurs locaux, autorités et forces de sécurité.
Cette démarche s’inspire des expériences réussies au Niger et au Burkina Faso, où des plans similaires ont permis d’améliorer la sécurité des élevages et de limiter l’emprise des groupes armés sur les zones rurales. Pour assurer son succès, la stratégie malienne pourrait bénéficier du soutien financier de partenaires internationaux comme la Banque mondiale ou l’Union européenne.
Toutefois, pour être pleinement efficace et durable, ce plan doit s’inscrire dans une politique globale de sécurisation et de développement rural. Le défi est de taille dans un pays où la majorité des citoyens vivent directement de la terre et de l’élevage, dans un contexte marqué par des fragilités sécuritaires et économiques.
La sécurisation du cheptel malien est donc un levier stratégique pour lutter contre la pauvreté, renforcer la paix et stabiliser durablement les territoires ruraux. La réussite de cette stratégie est une priorité nationale et un enjeu majeur pour l’avenir du Mali.