
Depuis le 1er janvier 2025, Madagascar a mis en place une suspension de trois mois de la pêche à la langouste dans six régions du sud-est du pays. Cette réglementation, renouvelée chaque année, vise à protéger une ressource halieutique menacée, tout en assurant sa durabilité à long terme. Fin 2024, des restrictions similaires avaient été imposées dans d’autres zones littorales. La langouste représente une ressource économique majeure pour près de 100 000 foyers dans le sud-est de Madagascar, où cette activité est au cœur de l’économie locale.
L’importance des ressources halieutiques en Afrique et à Madagascar
Les ressources halieutiques jouent un rôle vital en Afrique, non seulement pour la sécurité alimentaire, mais également pour l’économie des communautés côtières. Madagascar, avec ses 5 000 km de côtes, dispose d’un potentiel halieutique considérable qui contribue largement au bien-être économique et social de ses habitants. Les pêches artisanales, comme celle de la langouste, représentent une source essentielle de revenus pour des milliers de familles tout en jouant un rôle central dans l’alimentation et l’économie locale. Cependant, la gestion durable de ces ressources est cruciale pour prévenir leur déclin sous les effets combinés de la surpêche, du changement climatique et des activités industrielles.
Un secteur en pleine croissance
Selon le ministère de la Pêche et de l’Économie bleue, Madagascar a exporté 424 tonnes de langoustes en 2024, un chiffre qui illustre une forte progression par rapport aux 220 tonnes de 2020. Cette augmentation s’explique par une demande croissante sur les marchés européens, japonais et chinois. La langouste, très prisée, atteint des prix élevés sur le marché local, avec un kilo vendu à environ 20 000 ariarys (environ 4,15 euros). Cet attrait a conduit de nombreux pêcheurs à se tourner vers cette activité lucrative, intensifiant la pression sur la ressource.
La nécessité d’une réglementation adaptée
La suspension temporaire de la pêche intervient pendant la période de pic de ponte des langoustes, principalement en janvier et février. Selon Valerio Dizano, biologiste marin et directeur de l’ONG Aquatic Service, près de 70 % des femelles capturées durant cette saison portent des œufs. « Cette régulation est indispensable pour permettre le renouvellement de l’espèce et éviter une surexploitation », explique-t-il. La gestion durable de cette ressource est cruciale pour préserver l’équilibre économique et écologique des régions concernées.
Diversifier les activités des pêcheurs
Pour réduire la dépendance à la langouste, Aquatic Service encourage la diversification des activités des pêcheurs. Pendant la fermeture de la pêche, certains se tournent vers l’agriculture ou capturent d’autres espèces marines. Cette approche permet de compenser les pertes de revenus et de limiter la pression sur la ressource. « La langouste est une ressource renouvelable, mais une mauvaise gestion pourrait en compromettre l’avenir », prévient Valerio Dizano.
Les menaces supplémentaires pesant sur la langouste
Outre la surpêche, Jean Maharavo, biologiste marin, identifie l’exploitation minière comme un risque majeur pour la langouste. La région de Fort-Dauphin, un centre clé de la pêche à la langouste, est également le site d’activités minières intensives, notamment pour l’ilménite. Ces exploitations peuvent entraîner une pollution par des métaux lourds, affectant la qualité de l’eau et des crustacés. Des conflits ont d’ailleurs éclaté entre pêcheurs et exploitants miniers suite à des épisodes de mortalité massive de poissons. Pour Jean Maharavo, il est urgent d’établir des limites claires entre zones de pêche et zones d’exploitation industrielle.
Des lacunes scientifiques à combler
La recherche scientifique sur la langouste à Madagascar reste insuffisante, souligne Jean Maharavo. « Nous manquons de données sur les cycles de reproduction, les zones de ponte et les habitats des larves », regrette-t-il. Une meilleure connaissance scientifique permettrait d’affiner les réglementations en fonction des particularités écologiques de chaque région. Par exemple, les conditions subtropicales de Fort-Dauphin diffèrent de celles, plus tropicales, de Nosy Bé, nécessitant des mesures adaptées.
Vers une gestion durable et intégrée
La suspension annuelle de la pêche à la langouste constitue une étape cruciale pour préserver cette ressource précieuse. Cependant, cette mesure doit s’accompagner d’initiatives complémentaires, telles que la diversification des activités économiques, une gestion plus rigoureuse des interactions avec l’industrie minière et un renforcement des capacités scientifiques. Ces efforts conjugués permettront de garantir la durabilité de la pêche à la langouste, une activité vitale pour de nombreuses communautés malgaches.