A propos

AfricaVet est le portail de la medecine vétérinaire en Afrique. Créer en 2010 pour …

Contactez-nous

 

Phone

+221 000 000 000

 

Address

Dakar, ……,
Yaoundé, Biyem-assi

Sénégal – À Thiès, les techniciens vétérinaires privés réclament une réforme pour une santé animale inclusive et résiliente

La santé animale, tout comme la santé humaine, se construit sur l’engagement silencieux d’hommes et de femmes de terrain. À Thiès, au Sénégal, une centaine de techniciens vétérinaires privés s’est réunie pour porter la voix d’une profession parfois oubliée, souvent marginalisée, mais pourtant essentielle au tissu social et sanitaire du pays. Leur message : la santé du vivant exige reconnaissance, justice et collaboration. Et elle ne se limite pas à un diplôme ni à un statut — elle se nourrit de la complémentarité de tous.

Un système sous pression, un métier en quête de reconnaissance

Dans un contexte ouest-africain marqué par une forte croissance démographique, des mouvements massifs de cheptels, la pression des maladies émergentes et la fragilisation des écosystèmes, la santé animale fait face à de multiples défis. Au Sénégal, l’élevage fait vivre près d’un tiers de la population, et la majorité des éleveurs se trouvent en zone rurale, éloignés des centres urbains où exercent principalement les vétérinaires diplômés. Ce sont alors les techniciens vétérinaires privés, les agents techniques d’élevage (ATE), les ingénieurs des travaux d’élevage (ITE), qui deviennent le premier recours pour les communautés : conseils, premiers soins, surveillance des épidémies, éducation à la biosécurité, sensibilisation à la vaccination.

Pourtant, la loi sénégalaise n°2008-07, héritée d’une vision centralisée et verticale du métier, réserve l’essentiel des prérogatives pharmaceutiques et cliniques aux seuls docteurs vétérinaires. Une nouvelle loi, adoptée en 2023, élargit ce monopole à certains pharmaciens, ajoutant à la confusion et à la frustration de ceux qui, chaque jour, sont au chevet des animaux.

L’Afrique de l’Ouest face aux menaces sanitaires : entre épidémies et crises économiques

La réalité du terrain, c’est celle de la transhumance, de la mobilité des pasteurs, des frontières poreuses. C’est celle des flambées de Peste des petits ruminants (PPR), de la rage, de la fièvre aphteuse, de la brucellose, autant de maladies qui fragilisent la sécurité alimentaire, ruinent les économies familiales, menacent la santé publique. C’est aussi celle d’une résistance croissante aux antimicrobiens, amplifiée par une mauvaise gestion des médicaments vétérinaires et l’absence de contrôle, justement faute de professionnels en nombre suffisant et bien reconnus sur le terrain.

En Afrique de l’Ouest, la coordination régionale reste complexe, malgré des efforts d’harmonisation portés par la CEDEAO et l’Union africaine. Les législations nationales peinent à intégrer la réalité plurielle des acteurs, laissant trop souvent de côté ceux qui, pourtant, garantissent la continuité du service vétérinaire au plus près des populations.

Une profession indispensable, mais sous-valorisée

À Thiès, le président de l’Association sénégalaise des techniciens vétérinaires privés (ASTVP), Idrissa Kama, témoigne : « Nous plaidons pour une réforme qui reconnaisse le rôle fondamental des techniciens et ingénieurs dans la chaîne de la santé animale. Les éleveurs nous font confiance, ils savent que sans nous, leur cheptel, leur sécurité et parfois leur propre santé sont en danger. »

Car il faut le rappeler : plus de 60 % des maladies infectieuses humaines sont d’origine animale. La santé des troupeaux, leur vaccination, le contrôle des foyers épidémiques, sont un rempart pour l’ensemble de la société. Mais comment accomplir cette mission si les professionnels de terrain restent exclus de la gestion des pharmacies vétérinaires, de l’accès aux médicaments, ou de la reconnaissance institutionnelle ?

Pour une nouvelle gouvernance de la santé animale, inclusive et durable

La réforme de la loi n’est pas qu’une question de carrière, c’est un enjeu de santé publique, de résilience et de souveraineté alimentaire. Il s’agit de donner à chaque acteur, du vétérinaire au technicien, la possibilité de jouer pleinement son rôle. De sortir d’une vision pyramidale et d’ouvrir la gouvernance de la santé animale à la réalité des territoires, à la diversité des compétences, à l’intelligence collective.

C’est aussi l’occasion, pour le Sénégal et ses voisins d’Afrique de l’Ouest, de réaffirmer l’importance d’un équilibre entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes — cette fameuse approche « One Health » qui ne peut réussir sans valorisation de tous les métiers du vivant.

Biodiversité, sécurité alimentaire, développement : même combat

L’Afrique de l’Ouest est une mosaïque d’écosystèmes et de savoir-faire. Préserver la biodiversité, c’est protéger les éleveurs, renforcer la sécurité alimentaire, limiter les risques d’épidémies. C’est aussi défendre la dignité de ceux qui, chaque jour, veillent sur la santé des animaux et sur l’équilibre fragile entre l’homme et la nature.

Le plaidoyer des techniciens vétérinaires privés de Thiès est bien plus qu’une revendication sectorielle : il incarne un projet de société, un appel à la solidarité et à la reconnaissance, pour une Afrique résiliente, fière de ses compétences, et consciente que notre santé dépend aussi de celle de nos animaux… et de notre biodiversité.

About Author

Malick Kane