
Face à la prolifération de produits vétérinaires contrefaits, le Togo déclenche une vaste offensive réglementaire et opérationnelle. Un enjeu vital pour la santé animale, la sécurité alimentaire, et la crédibilité du pays dans les échanges agricoles régionaux.
Dans un communiqué officiel daté du 9 avril, le Ministre d’Etat des Ressources Halieutiques, Animales et de la Réglementation de la transhumance, le Général 2S Damehame Yark, a lancé une mise en garde ferme à l’encontre des trafiquants de médicaments vétérinaires falsifiés, annonçant une campagne nationale de contrôles inopinés sur les marchés à bétails, aux frontières et dans les circuits de distribution.
« Toute personne ou structure non agréée impliquée dans l’importation ou la vente de médicaments vétérinaires frauduleux s’expose à la rigueur de la loi », a-t-il martelé.
Un enjeu critique pour l’élevage et la santé publique
Le secteur animal représente 13,4 % du PIB agricole togolais et reste essentiel à la sécurité alimentaire du pays. Mais il est aujourd’hui mis en péril par la prolifération de produits vétérinaires falsifiés ou détournés. Selon les observations de l’association internationale HealthforAnimals, ces produits illicites sont :
• mal dosés, voire totalement inefficaces,
• parfois toxiques pour les animaux,
• et responsables de la diffusion silencieuse de résistances antimicrobiennes dans les élevages.
À terme, cela compromet non seulement la santé animale, mais aussi la sécurité des consommateurs exposés à des résidus médicamenteux dans la viande, le lait ou les œufs.
Une économie animale déjà fragile
Selon le document d’orientation “Investir au Togo”, la production animale ne couvre actuellement que 50 % des besoins nationaux. Le pays importe encore une large partie de sa viande, notamment de la volaille, tandis que le sous-secteur reste marqué par de petites exploitations, un accès limité aux intrants de qualité et une faible mécanisation. L’introduction massive de produits vétérinaires frauduleux dans un tel contexte fragilise encore davantage un secteur déjà sous pression.
Un cadre légal, mais une application encore timide
La législation togolaise est pourtant claire. La loi n° 98-019 du 23 décembre 1998 sur l’exercice de la profession vétérinaire, et le décret n° 2012-015/PR encadrant la pharmacie vétérinaire, réservent strictement la manipulation des médicaments vétérinaires aux professionnels agréés. Mais dans les faits, les produits circulent librement dans les marchés, souvent sans prescription, sans contrôle, et parfois même sans étiquette réglementaire
Une responsabilité partagée : éleveurs, distributeurs, autorités
Le gouvernement appelle à la mobilisation de tous les acteurs : vétérinaires, éleveurs, importateurs et forces de sécurité. Il les exhorte à :
• signaler les cas suspects,
• refuser les produits sans homologation,
• et s’approvisionner uniquement via les circuits autorisés.
La société civile, les coopératives agricoles et les Chambres d’agriculture sont également appelées à jouer un rôle de sentinelle sanitaire.
Un problème global, une réponse locale urgente
Un rapport de l’ONUDC (2023) estime que près de 500 000 décès par an en Afrique subsaharienne sont liés à des médicaments falsifiés – vétérinaires et humains confondus. Le phénomène touche tous les pays, avec des impacts sur la santé publique, l’économie, la confiance dans les institutions et la durabilité de la production.
L’OMSA et HealthforAnimals recommandent :
• la mise en place de laboratoires de contrôle qualité,
• le renforcement des réglementations douanières,
• la création de systèmes nationaux de pharmacovigilance vétérinaire,
• et l’harmonisation des normes régionales via le programme VICH.
Un défi de souveraineté sanitaire
En menant cette offensive contre les médicaments vétérinaires falsifiés, le Togo entend protéger son cheptel, sécuriser les chaînes alimentaires et consolider sa place dans le commerce régional agricole.
Mais pour cela, il faudra aller plus loin : professionnaliser la distribution vétérinaire, moderniser les chaînes d’approvisionnement, investir dans la formation des vétérinaires, renforcer le maillage du territoire en prestataires de santé animale et créer une gouvernance multisectorielle intégrée.
Assainir le médicament vétérinaire, c’est protéger l’élevage, les éleveurs… et les consommateurs.